Chères Villeneuvoises, chers Villeneuvois ;
Mesdames et Messieurs,
Chers amis.
En ce 8 mai 1945, la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie met un terme en Europe à la Seconde Guerre Mondiale.
Les destructions humaines et matérielles s’apparentent à un véritable désastre : près de 60 millions de morts, des populations déportées et assassinées dans des camps de concentration et d’extermination, des villes entières rasées sous des tapis de bombes. Jamais dans l’histoire, un conflit n’aura fait autant de dégâts.
Et pourtant, ce terrible bilan n’a pas annihilé tout espoir. L’envie de vivre et de reconstruire un monde meilleur est partout présente.
A l’exemple de la France, la quête démocratique et la justice sociale ont aussi été étroitement associées aux mouvements de résistance.
Le programme du Conseil National de la Résistance, qui veut bâtir une société où la devise républicaine ne serait pas qu’une proclamation de principe, en témoigne.
Contrairement aux lendemains de la Première Guerre mondiale, les affres du conflit n’obèrent pas l’avenir. La bataille de la production est lancée dans tous les secteurs de la vie économique.
Le dynamisme démographique s’affirme. Bientôt, nous évoquerons les générations du baby-boom comme une réponse aux massacres des populations civiles.
Il débouchera sur une croissance sans équivalent.
Un économiste français, Jean Fourastié, décrira ces années comme celles des trente glorieuses. Mais cette description ne s’applique qu’à la partie occidentale du monde.
N’oublions pas que, dès 1946, selon l’affirmation de Winston Churchill en visite à Fulton, aux
Etats-Unis, disait « un rideau de fer » s’abat sur l’Europe.
La guerre froide succède à l’euphorie de la Libération.
Les Alliés d’hier, Américains et Soviétiques, s’affrontent et le monde se partage en deux blocs idéologiquement hostiles : à l’ouest, les démocraties libérales ; à l’Est, les démocraties populaires.
Les modèles politiques, économiques et sociaux sont diamétralement opposés et marquent profondément l’après-guerre.
L’Allemagne divisée en zones d’occupation éclate en deux Etats et devient à la fois le symbole et l’enjeu de ce conflit d’un autre type, que Raymond Aron résuma en une formule : « Paix impossible, guerre improbable » !
Oui, l’Europe n’a pas connu pendant plusieurs décennies le bruit des bottes et des canons.
La dissuasion nucléaire a fonctionné et a maintenu un équilibre fondé sur la terreur.
Pour autant, il y eut des conflits périphériques qui engagèrent par adversaires interposés ceux que l’on appelait à l’époque les deux « grands » : à l’exemple de la guerre d’Indochine, de la guerre de Corée ou de celle du Vietnam !
Commémorer la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, comme nous le faisons aujourd’hui, c’est se souvenir du soulagement qu’a pu représenter pour nombre de populations martyrisées ce retour à la paix.
C’est aussi se souvenir que face aux atrocités commises, il fallut inventer un droit nouveau pour juger les barbares nazis, ainsi que leurs complices.
Nous espérions à l’époque que la justice suffirait pour éradiquer le mal et punir les responsables.
L’histoire nous a appris depuis que toute leçon demeure relative puisqu’il existe encore aujourd’hui des individus qui osent nier la Shoah ou qui trouvent, en maquillant la vérité, des circonstances atténuantes aux bourreaux.
Il ne s’agit pas de dire ce que nous aurions fait pendant l’occupation.
En tout cas, n’alimentons pas le négationnisme historique en reprenant les vieilles thèses de l’extrême droite française qui affirment que le régime de Vichy aurait tout fait pour sauver les Juifs français.
Si, seulement, et ce terme est terrible, un quart des Juifs de France furent déportés, ce n’est pas au régime de Vichy que nous le devons, mais aux justes.
C’est-à-dire, à celles et ceux parmi la population française, qui ont pris des risques pour les prévenir d’éventuelles arrestations, les recueillir, les cacher et les protéger autant qu’ils le purent !
Que je doive ici, solennellement, rappeler cette évidence, montre à quel point notre société va mal. Qu’une partie de plus en plus importante de nos concitoyens puisse ainsi croire des démagogues dont l’objectif, pour s’emparer du pouvoir, est de travestir les faits, le démontre si besoin est.
Je ne m’érige pas en juge de ces comportements, il existe une justice pour cela ! En revanche, je dis haut et fort en ce jour de commémoration que Pétain ne s’est pas vu imposer la collaboration par Hitler.
Le 3 octobre 1940, à la grande surprise de l’occupant, la loi portant sur le « statut des Juifs » en France était promulguée par le régime de Vichy.
Ce texte définissait juridiquement l’appartenance à une prétendue « race juive » et listait les professions interdites aux personnes concernées.
Enfin, ce ne sont pas les Allemands qui ont organisé la rafle du Vel ’d’Hiv en juillet 1942, où plus de
13 000 Juifs furent arrêtés, puis déportés, mais bien les autorités françaises !
Et quand il s’est agi de sauver les enfants, par humanité probablement, Pierre Laval a refusé de les séparer de leurs parents ! Ils sont alors allés jusqu’au bout du voyage … dans la nuit et le brouillard !
A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, nous pouvions penser n’avoir jamais à revivre en Europe et dans le monde de tels massacres. Et pourtant !
Commémorer la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est se souvenir que toutes les guerres s’accompagnent de leur cortège d’horreurs et de crimes en tout genre, et lorsqu’elles s‘achèvent la paix ne peut jamais être considérée comme définitive.
Si juger les criminels, comme cela fut fait dans la majeure partie des cas, peut apporter quelque soulagement, rien ne pourra jamais effacer la douleur et la souffrance des victimes et de leur famille.
Malgré tout, il y a toujours une place pour l’espoir grâce à celles et ceux qui ne renoncent pas à défendre ce qu’ils croient juste.
Alors ne renonçons pas.
La démocratie, en l’occurrence notre République, est le bien le plus précieux que nous ayons pour vivre ensemble. Le débat démocratique, même rude parfois, est toujours préférable à la loi des armes.
Il est plus que jamais nécessaire, devant ce monument aux morts, de s’en convaincre.
Vive la République !
Vive la France !
Vive Villeneuve !